Questions générales sur la linguistique
Qu'est-ce que la Linguistique ?
La linguistique est l'étude scientifique du Langage et des langues, ainsi que de leur emploi.
Le but de la linguistique consiste donc en une description précise, détaillée et plus ou moins formalisée de ces phénomènes, afin de dégager les lois générales qui les régissent, dans leur utilisation,
dans leurs instanciations, dans leurs origines et dans leurs évolutions.
Vue la grande diversité des approches possibles en matière de langage, on rencontre aussi souvent
l'appellation Sciences du Langage qui insiste plus sur cette diversité.
Moi, je préfère le mot Linguistique, pour, au contraire, mettre l'accent sur l'interdépendance
entre ces différentes disciplines de la linguistique. Mais c'est un choix purement personnel.
On oppose traditionnellement les disciplines de la linguistique dites "interne", qui sont notamment la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique,
et celles de la linguistique dite "externe", la sociolinguistique, l'ethnolinguistique, psycholinguistique, et cætera...
Les disciplines de la linguistique "interne" considèreraient la langue pour elle-même,
tandis que les disciplines "externes" considèreraient la relation de phénomènes linguistiques à des phénomènes non-linguistiques.
En pratique, cette opposition est, je pense, un peu vieillote. La place de la linguistique comparative n'y est pas si claire, celle de la linguistique informatique l'est encore moins,
ou, encore pire, celle de l'étude de l'acquisition du langage.
Qu'est-ce que le langage ?
On appelle Langage le phénomène qui sous-tend l'acquisition et l'utilisation des langues, c'est à dire le fait que les gens apprennent à parler et parlent, en utilisant des
systèmes de communication aux propriétés spécifiques qu'on appelle les langues.
On parle de faculté de langage pour désigner la capacité à acquérir, c'est à dire à apprendre et à employer des langues.
Noam Chomsky et les linguistes qui le suivent considèrent la faculté de langage comme un élément inné, biologiquement déterminé, propre aux êtres humains et qui ne se réduirait pas à une faculté d'apprentissage
plus générale. Le terme de "faculté de langage" se rencontre surtout chez eux et renvoie à cette conception bien spécifique, et à la primauté qu'ils accordent à l'étude de cette faculté
parmi les sujets d'étude de la linguistique.
La notion de langage dans un sens plus large qui remonte à Ferdinand de Saussure, recouvre tout les éléments qui rendent possible l'acquisition et l'emploi des langues,
que ce soit sur le plan physiologique, psychologique, neurologique, mais aussi sur le plan social et culturel.
Liens
- Article "Language" de Scholarpedia (par le linguiste Mark Aronoff)
Références
- Cours de Linguistique Générale, F. de Saussure, C. Bally, A. Sechehaye, 1916, chapitre III
Qu'est-ce qu'une langue ?
Une langue est un système de signes, généralement utilisé pour la communication entre individus, et aussi pour une variété d'autres usages,
par exemple se parler à soi-même à voix haute, se parler à soi-même intérieurement (phénomène dit du monologue interne), ou pratiquer des formes d'expression artistiques telles que poésie ou chant.
On entend par signe, une alliance entre un signifiant, c'est à dire un élément concret, physique, qui sert à être interprété, et un signifié, un concept auquel l'interprétation du signifiant
permet d'accéder. Ainsi, le mot anglais « sun », le mot français « soleil », le mot finnois « aurinko », le mot grec « ἥλῐος », l'émoticône 🌞 et le pictogramme ☉ sont tout les six des signes
ayant un signifiant différent,
mais renvoyant sensiblement au même signifié.
On peut noter que les deux derniers signe diffèrent des autres en ce que leurs signifiant sont fait pour évoquer (en l'occurrence, visuellement) le signifié.
Un signe ayant cette propriété est appelé signe motivé ou iconique.
A contrario, les autres signes, qui sont tout les quatre des mots, n'ont rien dans leur signifiant qui puisse évoquer leur signifié : ce sont des signes dit arbitraires.
Les signes linguistiques sont généralement arbitraires.
Lorsqu'on dit que la langue est un système de signes, on veut dire qu'elle possède une organisation intérieure.
Il existe dans toutes langues des règles s'appliquant aux signes linguistiques, et permettant de
les organiser les uns par rapport aux autres, de les interpréter, de les combiner pour construire des signes plus complexes à partir de signes simples, et, réciproquement,
pour décomposer de tels signes complexes et les analyser.
L'études de ces systèmes de règles, généralement appelés grammaire, est l'un des principaux objets de la linguistique, et en particulier de la linguistique dite structurale.
Au sein du règne animal, il existe beaucoup de systèmes de communication plus ou moins élaborés.
Néanmoins, on peut mettre les Langues humaines à part pour les raisons suivantes :
-
Les langues humaines font usage de signes arbitraires, qui sont de plus sujets à des évolutions dans le temps.
-
Une langue humaine est culturellement transmise, ses règles et son lexique
ne sont pas connus de façon innée, mais acquis après la naissance.
-
Une langue humaine est créative, et permet à ses locuteurs de créer des messages nouveaux,
que leur émetteur construit sans les avoir entendus au préalable.
-
La langue humaine permet l'inclusion dans les énoncés d'informations spécifiques à la situation d'énonciation,
à l'émetteur ou au destinataire.
-
Parler est, généralement, chez les êtres humains, un acte volontaire, un choix conscient, et non un réflexe instinctif.
-
Une langue peut également permettre dans les énoncés de renvoyer à des éléments éloignés dans l'espace
ou dans le temps, qui ne sont pas immédiatement accessibles aux interlocuteurs.
Voire à des éléments hypothétiques.
-
La langue humaine permet donc d'envoyer des messages intentionnellement
faux ou absurdes. (ça c'est pour la mauvaise nouvelle).
-
Une langue permet même potentiellement d'être utilisée pour se décrire elle-même,
elle est son propre méta-langage.
Enfin, la langue est doublement articulée :
Un énoncé linguistique se décompose d'abord en signes, qui sont eux-mêmes composés d'autres signes n'ayant pas de valeur sémantique à proprement parler mais une valeur distinctive.
Certains systèmes de communication animale peuvent présenter une partie de ces caractéristiques
(Par exemple, la danse des abeilles emploie des symboles arbitraires pour faire référence à des éléments
qui ne sont pas immédiatement accessibles), mais seule la langue humaine les présente toutes
(Dans l'état actuel de nos connaissances).
À ces définitions formelle, il faut ajouter l'idée importante qu'une langue est généralement associée à une communauté de locuteurs, la communauté linguistique comprenant des gens qui acquièrent cette langue
en premier dans la petite enfance en tant que langue maternelle et qui s'en servent dans leur vie quotidienne.
Une langue qui n'est plus associée à une communauté linguistique est une langue morte ou quasiment morte,
et une langue qui ne l'a jamais été est une langue artificielle .
Il faut noter que ces statuts n'ont rien d'absolu. Une langue morte ou artificielle est tout à fait susceptible d'acquérir une communauté linguistique
Cette notion de communauté linguistique est centrale pour les approches plus anthropologiques ou sociologiques de la linguistique.
Qu'est-ce que n'est pas la linguistique ?
La linguistique n'est pas une branche des disciplines suivantes :
littérature, philosophie, philologie, sociologie, psychologie, neurologie, ethnologie...
Bien qu'il existe évidemment des recouvrements, des intersections, avec ces disciplines,
la Linguistique est une entreprise bien spécifique, ses buts et son objet sont bien à part.
Saussure décrivait la Linguistique comme une branche de la sémiologie, c'est à dire de la science des signes,
mais compte tenu de la spécificité des signes linguistiques, organisés en systèmes très complexes,
et du changement de sens du mot "sémiologie", qui a pris un sens plus étroit,
les deux disciplines restent distinctes, dans leurs pratiques, malgré, là encore,
des préoccupations communes et des recouvrements.
Il est impossible de ranger la linguistique dans les autres sciences, à moins d'adopter une perspective
ultra-réductionniste, mais dans ce cas, toutes les sciences sont des branches de la physique,
qui n'est elle-même que l'application des mathématiques à la réalité.
La linguistique n'est pas une entreprise normative. Elle ne cherche pas à dicter la façon de parler des gens,
elle n'émet en aucun cas de jugement moral ou esthétique à ce sujet.
En linguistique, il n'y a pas de notion de correction, toutes les formes sont dignes d'attention.
La linguistique peut fournir des outils et des approches pour aider à l'enseignement des langues,
mais les préoccupations didactiques ne font pas stricto sensu partie de la linguistique.
On parle parfois de "linguistique prescriptive", cela peut revêtir plusieurs sens,
mais si on restreint le mot "linguistique" à son sens de discipline scientifique,
la prescription linguistique n'en fait pas partie.
Références
- Cours de Linguistique Générale, F. de Saussure, C. Bally, A. Sechehaye, 1916, chapitre II
Quelles différences y a-t-il entre philologie et linguistique ?
La philologie c'est l'étude des textes, la linguistique c'est l'étude des langues.
Historiquement la linguistique, en particulier européenne, est née de la philologie,
et la plupart des linguistes du XIXe siècle avaient une formation de philologue.
Mais les préoccupations de la linguistique moderne se sont progressivement écartées de la philologie,
aussi bien par le renversement de perspective induit par Saussure en Europe
que par les apports des anthropologues qui étudiaient les langues de peuples sans traditions écrites.
Étant donné que la majorité des langues du monde ne sont pas écrites, la linguistique, dont le but est l'étude de toutes les langues et des lois générales
qui les régissent, est aujourd'hui généralement bien distincte de la philologie.
Globalement les préoccupations de la linguistique sont d'ordre structurel, grammatical.
Le fond de ce qui est dit n'est pas très important, en linguistique,
ou n'est important que par la façon dont ce sens est encodé dans la langue.
Il reste des liens entre linguistique et philologie bien sûr, surtout la linguistique historique.
L'importance pratique de la philologie reste malgré tout considérable pour les spécialistes de certaines langues.
Comment naît la linguistique ? (comment elle est née)
Il est assez probable que les questionnements linguistique soient aussi vieux que le langage lui-même, c'est à dire qu'ils remontent plus ou moins aux origines de l'humanité
ou en tout cas à des centaines de milliers d'années dans le passé. Nous ne pouvons avoir aucune connaissance de l'histoire de ces premiers questionnement, jusqu'au moment
de l'invention de l'écriture.
L'invention de l'écriture est bien évidemment un moment crucial de l'histoire de la linguistique, parce qu'écrire une langue nécessite de faire des choix de représentation des éléments constitutifs
de cette langue, de se demander quoi représenter, et comment le représenter. Ces deux questions sont des questions cruciales de description linguistique et la façon dont elles sont résolues sont
en elles-mêmes des indices sur la façon dont les premiers scripteurs réfléchissent à leur propres langues.
Les premiers faits qu'on peut recueillir sur l'histoire de la linguistique remontent donc au moment d'une révolution dans le rapport des êtres humains à leur langue.
Il ne faut cependant pas s'imaginer que l'écriture a été immédiatement utilisée à son plein potentiel. Longtemps, elle n'a servi que de support annexe, partiel, à des textes mémorisés
dont seul un espèce de synopsis était véritablement noté en dur.
Ainsi, les plus vieux travaux de nature linguistique dont il reste des traces sont des lexiques bilingues de l'akkadien et du sumérien, cette dernière étant restée d'usage administratif
et religieux bien après être devenue une langue morte supplantée par l'akkadien.
Cependant, l'essort de l'écriture a rapidement permis que soient fixées par écrit non plus seulement des lexiques, mais aussi de véritables grammaires. Plusieurs traditions
de description linguistique sont nées là où l'écriture existait, dont le but était de décrire la langue locale, de faciliter l'enseignement de la lecture, et de réfléchir
sur des considérations grammaticales ou stylistiques (la différence entre les deux étant rarement nette dans l'esprit des grammairiens d'alors).
C'est ainsi que sont nées les traditions de description arabes, hébraïques, chinoises, indiennes, grecques puis gréco-romaines, cette dernière ayant donné naissance plus ou moins directement aux grammaires européennes.
Les premiers travaux de nature linguistique ont toujours eu plus ou moins une visée prescriptive.
Il s'agissait de codifier l'usage de la langue, de fixer la façon de l'employer, souvent pour des raisons religieuses, ou bien de l'enseigner à des gens qui n'en étaient pas des locuteurs natifs.
La sacralité du Coran et de l'arabe, langue du Coran et langue vivante simultanément, a ainsi joué un grand rôle dans le développement de la linguistique du monde arabo-musulman,
qui s'est largement focalisé sur les moindres détails de cette langue, du moins dans ses réflexions théoriques (tout les empires ont toujours été des environnement multilingues possédant des traducteurs,
mais leur travail n'intéressait pas toujours la réflexion des théoriciens de la grammaire).
En Inde également, la grammaire a vite connu un fort degré de sophistication.
Ainsi, la plus ancienne description d'une langue, le Sanskrit, qui soit parvenue jusqu'à nous
est l'oeuvre d'un dénommé Pāṇini, dans un livre d'une grande densité :
L'Aṣṭādhyāyī, composée vers le 4e siècle avant notre ère et qui inspirera plus tard les linguistes de la fin du XIXe siècle par son haut degré de technicité
(préfigurant des notions qui ne seront étudiées en détail qu'au XXe siècle).
L'écriture de grammaire suit ensuite le développement des civilisations autour du bassin méditerranéen, et les premières traces écrites de questionnements linguistiques apparaissent également.
Ainsi, un texte couramment cité en lien avec la question de la motivation des signes linguistiques est le Cratyle de Platon, où Socrate discute
les deux positions représentées par Hermogène, qui considère que les noms sont des créations arbitraires et conventionnelles, et Cratyle, qui prétend qu'ils sont liés à ce qu'ils dénomment.
Le monde romain développe également des grammaires, et les grammairiens latins, notamment Donat et Priscien, serviront de modèles aux auteurs de grammaire du moyen-âge.
Au moyen-âge, les grammaires de langues vernaculaires européennes apparaissent très progressivement, au gré des besoins notamment administratifs, ou commerciaux.
La toute première grammaire du français connue, écrite par Johan Barton au XVe siècle, s'intitule le Donait françois ("le Donat français").
D'autres grammaires sont écrites dans les siècles qui suivent, on peut encore citer la Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal.
Les contacts accrus entre les différentes parties du monde dûs à l'impérialisme européen, ainsi que l'intérêt récurrent des lettrés pour ce genre de questions
a progressivement conduit à l'établissement des premières comparaisons systématiques entre les langues.
La démonstration de la parentée entre le hongrois et langues sames par Sajnovics et Gyarmathi, puis de celle entre le latin, sanskrit, grec, langues germaniques et slaves, a été le point de départ de la linguistique
moderne, et la préoccupation majeure des linguistes tout au long du XIXe siècle a été l'établissement de parentées linguistiques et la reconstruction de langues ancestrales.
Cependant, à la fin du XIXe siècle, divers facteurs conduiront des linguistes à s'intéresser moins à l'évolution des langues qu'à leur description synchronique,
et la linguistique historique cessera alors d'être la principale manière d'étudier scientifiquement les langues.
Références
- Histoire des Idées Linguistiques, Sylvain Auroux et al., Mardaga, Lièges. Tome 1 : 1989, tome 2 : 1992, tome 3 : 1997
Pourquoi la linguistique alors qu'on sait parler?
Pourquoi l'anatomie alors qu'on sait bouger ?
Le fait de parler résulte généralement de la volonté,
de la même façon que le fait de bouger, mais les mécanismes du langages
sont globalement inconscients, de la même façon que bouger la main ne suffit pas à comprendre
quels sont les mécanismes du mouvement.
Personne ne se réveille en se disant « Aujourd'hui je vais dévoiser un peu mes consonnes finales
et relever légèrement mes voyelles » ou bien « Je vais arrêter de prononcer les marques de pluriel
et placer les clitiques objet avant le verbe ».
Nous constatons pourtant que de tels changements surviennent dans les langues du monde.
La linguistique tente d'expliciter ces mécanismes inconscients
qui nous permettent de nous exprimer, et de nous comprendre, avec plus ou moins de bonheur.
Quel est le rapport à l'histoire de la discipline en linguistique ?
Cela dépend à mon avis de la branche de la linguistique dans laquelle on se spécialise,
et d'avec qui on étudie la linguistique. C'est également une question de génération.
Un certain nombre de gens qui se spécialisent à part entière dans
l'étude de l'histoire de la linguistique
et des théories sur les langues depuis Pāṇini à aujourd'hui.
Néanmoins, il n'est pas clair pour moi que leur travail ait beaucoup de connexions avec le
travail des autres linguistes, ni que ces derniers s'intéressent
énormément à l'histoire de leur discipline.
J'ai l'impression que les linguistes qui ont une formation de base plus "littéraire"
et/ou qui sont d'une génération plus ancienne auront tendance à se référer
aux "grands auteurs" de façon plus constante,
tandis que ceux qui ont une formation plus récente auront
peut-être moins tendance à le faire, mais il y
a vraisemblablement beaucoup de variation et je ne sais pas si quelqu'un s'est lancé
dans une enquête de sociologie des linguistes pour traiter cette question.
Est-ce que les linguistes peuvent se spécialiser sur une langue en particulier ?
Oui, c'est même assez fréquent, car on ne peut pas tout faire.
Les linguistes qui touchent au plus grand nombre de langues différentes sont les typologues,
qui cherchent à établir des comparaisons systématiques à grande échelle parmi l'ensemble des langues du monde,
mais ils s'appuient en grande partie sur des travaux descriptifs très détaillés,
préalables qui nécessitent un investissement (en temps, en travail)
qu'on ne peut pas avoir pour plus d'une ou deux langues à la fois
(Dans WALS, la page de chaque langue comporte une ou plusieurs sources
relative à cette langue par exemple).
La majorité des linguistes se spécialise sur certains aspects de certaines langues
ou groupes de langues proches, de façon plus ou moins stable et grégaire,
suivant les tempéraments et les intérêts de chacun.
Il y en a qui changent parfois radicalement de domaines,
et d'autres qui malgré une spécialisation marquée ne s'interdisent
pas d'intervenir sur d'autres langues de façon plus ou moins régulières.
Bref, c'est relativement variable, suivant les intérêts de recherche des linguistes.
Qu'est-ce que le structuralisme en linguistique ?
Le mot 'structuralisme' a été utilisé en linguistique pour se référer au courant dominant entre la fin du XIXe siècle et la fin des années 1950 et
le contenu théorique exact recouvert par ce mot est un peu difficile à cerner.
Les linguistes de cette période ont pour caractéristique, contrairement aux générations qui les avaient précédées, de s'être intéressé de façon un peu plus
approfondie à ce qu'est une langue et à tenter de définir formellement les langues et les éléments qui les constituent, et à cette fin, d'avoir séparé strictement
l'analyse de l'évolution des langues, et l'analyse des systèmes linguistiques à l'instant t.
Saussure est le théoricien le plus souvent cité comme étant le fondateur du structuralisme en linguistique.
Cependant, bien que la contribution théorique de Saussure ait été extrêmement profonde et durable, ainsi que son influence sur la linguistique, en particulier en Europe,
il faut noter trois choses : Tout d'abord, Saussure a laissé peu d'écrits, et son ouvrage principal est en réalité une reconstruction posthume réalisée par Charles Bally et Albert Sechehaye.
Esuite, Saussure lui-même n'utilisait pas le mot de "structure" et ne se revendiquait pas de l'étiquette "structuralisme", qu'on lui a accollée a posteriori.
Enfin, Saussure n'est pas le seul initiateur du tournant qui s'est opéré dans la linguistique du début du XXe siècle.
Les linguistes américains, notamment Franz Boas, influencés par la pensée de Humboldt et aiguillonnés par leur besoin immédiat de décrire les grammaires des langues amérindiennes, en sont arrivés à se préoccuper
des langues pour elles-mêmes à un instant t de leur évolution mais pour une raison complètement différente des linguistes européens.
On peut dire que le structuralisme est un moment de l'histoire de la linguistique où des traditions académiques, différentes, mais bien évidemment en communication les unes
avec les autres, se rejoignent sur une focalisation nouvelle : mieux décrire les grammaires des langues dans un moment donné de leur évolution et bien séparer
les faits ayant trait à leur structure à un moment donné
(synchronie) et ceux ayant trait à leur évolution (diachronie).
Cette séparation s'est accompagnée d'une formalisation accrue, et donc du besoin de théoriser concrètement ce qui définit une grammaire.
Cette étude de la langue nécessitait également de définir clairement ce qu'était une langue. La très célèbre tripartition langage, langue, parole de Saussure, est une façon
d'isoler un ensemble de phénomènes devant être l'objet d'étude en propre du linguiste. Le langage regroupant en gros ce qui relève avant tout de la biologie et la parole, ce qui relève
du contexte d'énonciation, le mot langue désigne les éléments appartenant "en propre" à la linguistique, c'est à dire des règles d'organisation de l'expression et des blocs fondamentaux
qui ne dépendent pas d'éléments extérieurs mais ne valent que pris les uns par rapport aux autres.
Cette vision de la langue comme constituée de signes et de règles, possédant une existence autonome vis-à-vis de la biologie et vis-à-vis de leurs contextes d'utilisation,
est ce à quoi l'on pense le plus souvent quand on parle de structuralisme. La notion de "structuralisme" en sciences humaines prend ses racines dans ces idées formalistes.
Références
-
A Short History of Structural Linguistics, Peter Matthews, 2001.
-
The Linguistics Wars, Randy Allen Harris, 1993.
Qu'est-ce qu'un mot ?
La notion de mot est une des plus difficiles à définir en linguistique et certaines théories de description linguistique tentent d'éviter d'utiliser ce concept.
En haut, un diagramme représentant l'amplitude sonore en fonction du temps, en bas, un spectrogramme représentant la variation de la fréquence en fonction du temps, ainsi que la variation
d'amplitude représentée par des couleurs plus ou moins foncée. Le jeu : trouver à quels mots correspond ce spectrogramme.
Le mot "mot" est, en fait, hautement polysémique et peut désigner une certaine quantité de concepts liés, mais néanmoins distincts.
L'intuition fondamentale derrière la notion de mot renvoie à la subdivision des énoncés en éléments discrets, nettement séparés les uns des autres.
Elle renvoie également à la classification de ces éléments selon des niveau d'abstraction plus ou moins grands.
Lorsque nous parlons, nous émettons des sons de diverses natures qui n'ont pas à proprement parler de délimitations claires sur le plan acoustique.
Néanmoins, quand on observe une série d'énoncés, on se rend vite compte qu'ils contiennent des éléments récurrents.
Au niveau le plus bas, un énoncé peut être découpé en phonèmes .
Les phonèmes eux-mêmes sont regroupés pour former des éléments récurrents à un niveau plus élevé : les syllabes et les mots.
Approche phonologique
Le "mot", c'est donc d'abord une entité distinctive dans la chaîne parlée, le continuum sonore produit lors de l'énonciation.
On peut opposer un mot au mot qui le précède et au mot qui le suit, et découper ce continuum en un petit nombre de parties.
Nous avons ici la première chose qui peut être désignée par le mot "mot" : une suite de phonèmes dans la chaîne parlée, distincte de ce qui la précède et la suit, obéissant à certaines contraintes.
Ce sens correspond à la notion de mot utilisée
en informatique, dans le domaine des langages formels : une chaîne d'éléments tirés d'un ensemble fini (appelé alphabet en mathématique),
et qui correspond en linguistique à l'inventaire phonologique, c'est à dire à l'ensemble des phonèmes existant dans une langue donnée.
Les séquences de phonèmes qui peuvent constituer un mot obéissent à un ensemble de contraintes appelées contraintes phonotactiques.
On entend souvent dire que certaines séquences de phonèmes sont interdites au sein d'une langue, et il faut généralement le comprendre comme une contrainte qui pèse au sein des mots.
Par exemple, la séquence /kp/ est considérée comme interdite en français.
Pourant le syntagme "un mec pâle" contient la séquence /kp/. Mais cette séquence n'apparaît pas à l'intérieur d'un mot, car /k/ est à la fin du mot "mec" et /p/ appartient au début du mot suivant.
Cette notion de contrainte phonotactique permet donc de définir une première notion de mot.
Il y a généralement plus de liberté à la frontière entre deux mots, plus de possibilités différentes, qu'au sein d'un même mot.
(On peut dire que l'entropie est généralement plus forte aux frontières entre les mots).
Il faut cependant noter qu'il existe des contraintes et des phénomènes phonotactiques qui s'appliquent même aux frontières entre les mots (c'est ce qu'on appelle des phénomènes de sandhi).
On pourrait appeler cette notion le mot phonotactique.
Approche morpho-phonologique
Il faut noter cependant que la notion de mot en phonologie est plus large est plus compliquée que celle d'une séquence de phonème, car l'intonation de la voix joue également un rôle
dans la définition du mot : un mot est généralement porteur d'un accent : c'est à dire qu'une partie du mot est mise en relief par rapport au reste, soit en étant prononcée avec plus de force
(accent dit d'intensité) soit avec une mélodie particulière (accent mélodique).
Selon les langues, l'accent peut prendre différentes places dans le mot :
il peut par exemple se trouver toujours au début ou à la fin, ou bien changer de position suivant la structure phonémique du mot. Il peut arriver aussi que la place de l'accent
ne puisse pas être prédite simplement à partir de la séquence de phonèmes constituant le mot.
Enfin, il y a un certain nombre de langues où l'intonation revêt encore plus d'importance dans la forme des mots, les langues tonales, où chaque syllabe de chaque mot est associée à une
mélodie particulière.
La notion de mot en phonologie se définit donc non seulement par des critères phonotactiques, mais également par des critères prosodique.
Approche sémantique
Un autre point crucial de la notion de mot telle qu'utilisée en linguistique, c'est l'idée que le mot est un signe linguistique, c'est à dire qu'il est porteur de sens,
qu'il est constitué d'un signifiant, l'élément concret qui va être sujet à interprétation, et d'un signifié, le concept auquel aboutit cette interprétation.
Cette condition est nécessaire, mais nous allons voir qu'elle n'est pas suffisante.
Il faut noter aussi que bien que le mot soit défini comme un type de signe linguistique,
il est tentant, et extrêmement fréquent, de le réduire à son seul signifiant.
Pour donner un exemple : dire « le mot "banane" contient cinq phonèmes », revient à appeler mot le signifiant du mot "banane", puisque par la
définition partielle donnée au-dessus, la notion de "mot" renvoie à un signe, donc à l'alliance entre un signifié et signifiant :
En l'occurrence, la suite de phonèmes constituant "banane" est un signifiant, et le signifié est le concept auquel le mot renvoie
(qu'on peut paraphraser comme "fruit jaune recourbé sans pépin ayant telle et telle caractéristique")
On devrait donc dire en toute rigueur : "le signifiant du mot "banane" est constitué de cinq phonèmes".
(Sur ce point, voir Saussure, Bally & Sechehaye [1916] Cours de Linguistique Générale, partie I, chapitre I)
Néanmoins, en pratique, force est de constater que cette distinction n'est pratiquement jamais faite explicitement.
Cette confusion entre signe et signifiant est analogue à celle entre la notion de chiffre et celle de nombre.
Tout les signes linguistiques sont sujets à la même confusion, du reste.
Elle porte généralement peu à conséquence. En général, il est immédiatement clair d'après le contexte
s'il est question du signe ou du signifiant seul.
Le mot est donc un certain type de signe linguistique. On appelle parfois cette notion de mot le mot-forme (et notamment par opposition au lemme, dont je parle juste après).
Cependant, dans un mot comme "mangeons" ou "danser", on peut isoler des éléments plus petits qui ont également un sens.
Par exemple la séquence /ɔ̃/ orthographiée "-ons" dans "mangeons" est associée à un sens.
Ce n'est pas nécessairement problématique. Un mot peut contenir d'autres mots. Des mots comme "lave-linge", ou "arc-en-ciel" ou "casse-croute" sont constitués d'autres mots.
Néanmoins, on s'aperçoit rapidement que les mots qui constituent ces mots composés ont eux-mêmes une grande autonomie, c'est à dire qu'on peut les retrouver dans
une large variété de contextes. Cette autonomie va être l'un des critères qui va permettre de distinguer un mot des éléments plus petits qui peuvent les constituer.
Mais pour comprendre ce concept d'autonomie, il faut maintenant s'intéresser à l'autre facette de la notion de mot en linguistique.
Approche morpho-syntaxique
J'ai parlé jusqu'ici du mot en tant qu'élément inséré dans un énoncé. Mais les éléments constituants un énoncé ne sont pas seulement en relation les uns avec les autres.
Chacun entretient aussi des relations d'un autre ordre.
Prenons la phrase "le petit cheval est mort". Le mot "cheval" n'est pas seulement en relation avec les mots qui le précèdent et le suivent.
Il a aussi un lien évident avec le mot "chevaux" qu'on pourrait utiliser dans la phrase "les chevaux hennissent".
Il en va de même pour "manger, mangeons, mangèrent, mangiez", et aussi pour "vais, allons, ira". On a coutume de dire que ce sont différentes formes d'un même mot, ce qui pointe
vers l'idée que c'est la sémantique qui guide ces regroupements, même si la similarité de forme a aussi son importance.
Il faut noter que, s'il peut sembler évident à un néophyte que "canal" et "canaux" sont deux formes différentes d'un même mot,
les choses deviennent moins évidentes dans certains autres cas : est-ce que "cane" doit être regroupé avec "canard ? Est-ce que "chanteuse" est le même mot que "chanteur" ?
Est-ce que "passé" doit être regroupé avec "passant" ?
Ce sens du mot "mot" est un sens encore plus abstrait que le précédent. Il désigne ici, non pas un simple signe, mais bien plutôt une collection de signes complexe, organisée.
Cette collection est appelée un paradigme. On considère que les différents signes présents dans le paradigme forment différentes formes d'un même lemme.
Comme précédemment, il existe donc une certaine confusion terminologique :
le mot "mot" est fréquemment utilisé pour désigner les lemmes. Quand on parle des "différentes formes du verbe boire", on fait en fait référence aux différents éléments
qui constituent le paradigme du lemme boire (par convention, on note les lemmes en utilisant une forme dite "forme de citation" et écrite en petites capitales).
Chaque lemme est à son tour un élément d'une catégorie plus large, que l'on peut déterminer en grande partie par les formes que contient son paradigme.
Ces catégories plus larges s'appellent les parties du discours (traduction littérale de l'expression anglaise part of speech),
et des mots comme nom, verbe, préposition, adjectif désignent des parties du discours.
Si on en revient maintenant à la séquence /ɔ̃/ orthographiée "-ons" dans "mangeons, dansons, écrivons" et dénotant la première personne du pluriel,
on peut remarquer qu'elle n'apparaît que dans un contexte et un seul : à la fin d'un verbe.
Contrairement à "nous", qui peut apparaître aussi bien avant un verbe ("nous sommes là") qu'après "c'est nous", avant une proposition relative ("nous, qui avons chantés, sommes fatigués"), etc...
C'est pourquoi, "nous" est considéré comme un mot et pas "-ons".
En guise de conclusion, on peut se demander pourquoi mot peut désigner autant de concepts différents et quel est le principe unificateur derrière les critères phonologiques,
morpho-syntaxiques, sémantiques et psycholinguistiques qui permettent de le définir. La réponse est que ces critères ont beaucoup de recoupements entre eux, et que ce n'est probablement pas un hasard.
La plupart des mots phonologiques sont aussi des mots sur le plan morphologique. Cependant, il faut bien garder à l'esprit que ça n'est pas toujours le cas.
Une classe importante qui échappe notablement à ce recoupement est la classe des clitiques, qui ne sont pas des mots sur le plan de la phonologie, car ils sont sujet à des phénomènes phonologiques
qui ne touchent pas les mots normaux, mais qui sont néanmoins très autonomes sur le plan de la syntaxe. Un exemple typique est donné par le génitif saxon et les contractions verbales en anglais
(le 's indiquant la possession et celui indiquant la forme is du verbe to be, par exemple dans "my wife's cat's a tomcat".
Sociolinguistique
Qu'est-ce que le prescriptivisme ?
Le prescriptivisme, c'est l'attitude qui consiste à prescrire et à proscrire des formes linguistiques,
autrement dit, à dicter la façon de parler des autres.
Le prescriptivisme vise généralement à normaliser la langue de façon plus ou moins restrictive.
En pratique, le prescriptivisme passe par l'élimination artificielle de dizaines de formes
considérées comme "incorrectes" alors que nombre de gens les utilisent quotidiennement.
Il peut y avoir plusieurs justifications à une telle normalisation. Par exemple, dans des contextes
juridiques, la langue utilisée est extrêmement codifiée afin de minimiser les confusions et les
débats sans fin sur le sens des mots. (ça ne marche pas toujours).
Il peut aussi être utile de tenter de normaliser les terminologies en sciences, afin de maximiser l'intercompréhension
et de se rendre intelligible au plus grand nombre.
Et de même, dans un contexte scolaire, il est probablement inenvisageable qu'un correcteur apprenne l'argot et les
idiosyncrasies de chaque élève quand il corrige ses copies, qui doivent donc être rédigé dans un standard.
Là où le bât blesse, c'est que le caractère artificiel et arbitraire d'une telle normalisation
(Qui, soit dit en passant, est toujours plus proche de la façon de parler des classes favorisées que de celle
des classes pauvres ou des minorités...)
est perdu de vue par nombre de gens, qui prétendent en faire "l'état naturel de la langue"
et poussent des cris d'orfraie si on prétend y déroger.
Bien souvent ils invoqueront des notions totalement subjectives pour justifier leur position.
Ainsi, un argument qui revient souvent est celui de "l'euphonie".
« Il ne faut pas parler de telle façon parce que "ça sonne mal" ».
On voit bien que s'il fallait bannir du vocabulaire toutes les formes qui déplaisent à quelqu'un,
on n'en aurait pas fini...
D'autres arguments se veulent plus objectifs et c'est là que ça commence à devenir drôle.
Les grammairiens font souvent appel à la logique pour justifier leurs règles, mais le mot "logique" n'a ici qu'une
valeur totalement incantatoire.
En effet, compte tenu de la nature arbitraire des signes linguistiques, il n'y a pas de raison "logique"
de préférer dans l'absolu une forme à une autre.
À la limite, on peut invoquer la cohérence, mais le fait est
que d'une part, aucune langue n'est jamais totalement cohérente, et d'autre part, la grammaire traditionnelle
accentuerait plutôt l'incohérence (qui est de toute façon difficile à évaluer, pour ne pas dire subjective...)
Le problème c'est que les règles qui gouvernent réellement la langue sont des règles inconscientes.
Sinon, la linguistique serait un jeu d'enfant. Il suffirait de demander aux gens pourquoi ils mettent
des déterminants avant les noms, les compléments après les verbes...
Mais les gens n'ont aucune idée des raisons qui les poussent à parler de la façon dont ils parlent.
Posez-leur des questions et vous obtiendrez des explications vagues, des invocations de grammaire scolaires
(souvent muettes sur un nombre surprenant de points), et des appels à des créatures mythiques, telles que
"l'esprit de la langue" (ou "le génie de la langue").
Invocation de l'esprit de la langue par des linguistes-spirites
Tenter de modéliser les règles véritablement appliquées par les gens quand ils parlent est une tâche extrêmement
complexe, et c'est aussi un préalable indispensable à comprendre la vraie "logique de la langue", les vrais mécanismes
qui sous-tendent les productions linguistiques.
Les grammaires prescriptives ne se préoccupent absolument pas de cela, leur ambition est juste de supprimer
des formes décrétées plus ou moins arbitrairement comme fautives.
Les linguistes voient généralement le prescriptivisme d'un mauvais oeil,
pour des raisons internes et externes à la
linguistique.
La principale raison interne vient des innombrables idées fausses perpétuées avec le prescriptivisme,
pour le justifier :
L'idée que la langue est en péril, l'idée que "mal parler" montre
qu'on "pense mal", qu'une expression "incorrecte"
est la marque d'une pensée appauvrie,
l'idée que c'est la forme écrite qui importe et que l'expression orale est
un épiphénomène,l'idée que, si on ne lui impose pas un ordre de l'extérieur,
la langue est un chaos total....
La principale raison externe, pour autant que je puisse en juger, tiens à un questionnement de la motivation
du prescriptivisme.
On a vu qu'il pouvait être utile de normaliser la langue en certains contextes, reste qu'il peut
être utile de se poser des questions sur la façon dont on la normalise.
Et en dehors de ces contextes, le prescriptivisme sert essentiellement à permettre aux gens de mépriser
leur prochain et se croire meilleur que lui
(plus intelligent, plus vertueux, plus respectueux, tout ce que vous voulez),
que ce soit en prônant un conservatisme rigide
qui sanctifie l'accord du participe, ou au contraire, un réformisme échevelé qui jetterait à bas les vieilles formes
pour en imposer de nouvelles, parées d'une farandole de vertus illusoires.
Dites vous bien qu'il n'y a pas de différence entre se moquer de quelqu'un qui emploie un "français incorrect" et
se moquer de quelqu'un qui parle une langue étrangère ou minoritaire. C'est la même attitude.
Pk l'académie française ?
« La fonction [de l'Académie Française] est de normaliser
et de perfectionner la langue française. [...] La mission qui lui est assignée dès l’origine , [...]
est de fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre pure
et compréhensible par tous.
»
(Wikipédia, "Académie Française"
L'Académie Française a pour unique but le conservatisme linguistique.
Sa fonction principale est de refuser toute forme d'évolution linguistique, de quelque nature qu'elle soit.
Les seules innovations acceptées par l'Académie Française sont celles qui sont entérinées par l'usage depuis
des lustres. Ses recommandations restent absolument lettre morte et son autorité est nulle.
Quand l'Académie Française utilise la linguistique, elle s'en sert telle l'ivrogne le lampadaire :
pour trouver du soutien,
pas pour éclairer sa lanterne.
Bref, l'Académie Française est, dans le domaine de la langue, une expression du conservatisme et
du centralisme français.
Pour autant, il y a pire que l'Académie Française. Il y a tout les petits prescripteurs amateurs,
tout les petits commentateurs qui s'improvisent correcteurs, alors qu'eux-mêmes n'appliquent souvent
que très imparfaitement les règles qu'ils prétendent faire appliquer aux autres.
Et les réformistes de la langue ne valent pas mieux,
ce sont deux facettes détestables d'une vision normative de la langue.
Faut-il supprimer l'Académie Française ?
L'Académie Française est avant tout un symbole.
Le problème du prescriptivisme ne se réduit pas à l'Académie Française
et elle est avant tout un symptôme du caractère fortement normatif
de notre société sur le plan de la langue.
Un symptôme, bien plus qu'une cause.
Et du reste, je gage que les neuf dixièmes des prescriptivistes
du quotidien ne connaissent pas et ne consultent généralement pas les avis de l'Académie Française.
De même que l'Académie Française ne retient que ce qui l'arrange dans ce que disent les linguistes,
de même les prescriptivistes ne retiennent au mieux que ce qui les arrange
dans les prescriptions de l'Académie Française
(j'en veux pour preuve l'inapplication des pourtant modestes réformes orthographiques de 1990).
Par conséquent, peu importe ce que devient l'Académie Française,
le problème n'est pas et n'a jamais été là.
Les réformes orthographiques ont-elles un intérêt ?
Le principe d'une réforme de l'orthographe, c'est de changer les formes graphiques des mots
qui sont promues par les institutions.
Elles peuvent aller de la simple élimination de lettres muettes
(par exemple les réformes sur l'orthographe du russe après la révolution), à un changement de système d'écriture
(par exemple, l'imposition de l'alphabet latin pour écrire le turc par Atatürk).
Les réformes orthographiques ont souvent des buts multiples,
souvent avec une charge symbolique et politique derrière.
En se limitant à l'aspect purement linguistique des réformes, on peut se demander si les
réformes orthographiques destinées à rendre l'orthographe plus simple ont un intérêt.
Le problème c'est que la langue a une certaine inertie et que par défaut les pratiques langagières des gens
ne changeront pas spontanément pour appliquer la réforme.
L'exemple des réformes orthographiques française de 1990 montre que même des changements
assez timides restent lettre morte si personne ne se soucie de les faire appliquer.
Il y a en gros trois possibilités pour les réformes orthographiques :
Dans le premier cas, la "réforme" n'est en fait que la sanction officielle de pratiques déjà installées,
de sorte qu'elle est indolore, puisqu'elle entérine ce qui fait déjà partie de l'usage. Il s'agit un
peu de feindre d'être l'instigateur de changements qui vous dépassent.
Dans le deuxième cas, la réforme va effectivement à l'encontre des pratiques habituelles sur un point ou
l'autre, mais comme elle est effectuée sur une base de pure incitation, rien ne change dans les faits,
c'est le cas de la réforme de 1990.
Le troisième cas est celui où la réforme est accompagnée d'une volonté politique forte de la faire
appliquer, c'est le cas des réformes russes et turques déjà citées, et le cas où une réforme est
véritablement une réforme.
Pour ce cas-là, si le but réel de la réforme est de simplifier la vie des gens, on peut
se demander si le jeu en vaut réellement la chandelle. Il est difficile de défendre l'idée,
dans cette optique simplificatrice, qu'il faut sanctionner les gens qui emploient l'ancienne orthographe.
Une norme orthographique comporte toujours un certain arbitraire, et même
les langues qui ont une écriture phonémique, c'est à dire proche de la prononciation,
ont souvent un standard écrit qui est un peu différent de l'oral, voire très différent de l'oral
(de nos jours internet rend ces considérations encore plus complexes, il peut sembler
que la frontière entre oral et écrit est devenue bien plus poreuse, mais sur internet se développent aussi
des codes propres).
L'orthographe française actuelle est d'une complexité bien trop élevée et
vouloir la simplifier part d'une bonne intention, mais en pratique, il est pénible à tout
le monde de changer ses habitudes, et le problème de la complexité orthographique
est un problème mineur en lui-même.
Les problèmes majeurs posés par une norme linguistique ne sont pas liés à son contenu,
mais à son utilisation comme outil d'exclusion sociale.
Il semble donc préférable, plutôt que de modifier le contenu d'une norme qui est de toute
façon arbitraire, de tenter de modifier plutôt notre rapport à la norme.
La société française, et en particulier ses membres les plus vulnérables, ont plus à gagner
d'une moins grande rigidité dans l'application des normes orthographiques, par l'Éducation Nationale
au premier chef, qu'à une réforme bien intentionnée mais qui n'aurait guère d'effet positif,
sinon de faire sortir du bois les réactionnaires qui poussent des cris d'orfraies à l'idée
qu'on puisse tolérer d'écrire "nénufar" et "ognon".
Mieux vaut être plus souple, plus tolérant vis-à-vis des écarts à la norme, que de réformer la norme.
Pourquoi la disparition des langues du monde serait une catastrophe ?
Je pense que pour répondre à cette question, il faut d'abord se
demander ce qu'on entend par diversité culturelle et quels éléments
on fait rentrer dedans, et pourquoi il faut se préoccuper de la préserver.
Si on admet que c'est en soi une richesse et qu'il faut la préserver à un degré ou à un autre,
alors il faut préserver les langues qui en sont partie intégrante.
Je pense qu'on peut clamer à bon droit que la diversité linguistique de l'humanité est aussi fascinante
et digne d'attention et de préservation que toutes les autres formes
de variations culturelles (gastronomiques, religieuses, artistiques, et caetera).
Un paramètre peut-être plus politique c'est que les langues menacées
sont en général les langues de gens menacés, souvent de minorités ethniques
forcées à l'acculturation (voire pire) par des voisins dominant socialement.
La langue est quasiment partout dans le monde un facteur de domination culturelle
et pouvoir utiliser sa langue maternelle tout le temps sans se poser de question,
et en particulier pour interagir avec le pouvoir, c'est en fait un privilège,
comme on dit, un privilège qui n'est pas donné à tout le monde.
Par conséquent, la défense de la langue peut être le catalyseur d'une lutte politique plus large.
Bref, défendre la diversité linguistique de l'humanité, c'est défendre le droit
à exister en tant que membre d'une culture, c'est défendre le droit des gens à
exister sans devoir plier leur identité à une culture qui n'est pas la leur.
La langue est un des marqueurs identitaires les plus fondamentaux et la disparition
d'une langue n'est jamais un événement anodin.
Formalismes
Pourquoi est ce que la grammaire est si dure?
Parce que la langue est chaotique.
Le mot "grammaire" a plusieurs sens. Dans la langue courante, il désigne ce qu'on apprend à l'école et
que les linguistes appellent "grammaire traditionnelle". En linguistique, la grammaire, c'est l'ensemble des règles
(syntaxiques, morphologiques et phonologiques)
d'une langue donnée. (Parfois on met la phonologie à part).
Pour ce qui est de la grammaire traditionnelle prescriptive qu'on enseigne dans les établissement scolaires
du primaire et du secondaire, elle est dure parce qu'elle est arbitraire et qu'elle ne veut pas l'admettre.
Le but de la grammaire traditionnelle est de normaliser la langue, avant tout la langue écrite,
et de la faire converger vers un modèle de langue considéré comme prestigieux (Pour des raisons qui vont de
leur usage par les classes sociales favorisées, à l'arbitraire le plus pur et dur).
La difficulté de la grammaire traditionnelle française (mais c'est probablement aussi applicable ailleurs) tient en grande partie à ce qu'elle est très conservatrice,
et cherche à nier l'importance de la distance entre langue orale et langue écrite.
La grammaire française regorge de choses qui existent exclusivement à l'écrit.
Des temps entiers, comme le passé simple, ne persistent que via le medium écrit qui est artificiel.
En fait, pour reprendre l'analogie développée un peu plus haut, c'est un peu comme une langue étrangère.
Et les difficultés sont donc peu ou prou les mêmes que pour les autres langues étrangères.
La difficulté des grammaires descriptives produites par la linguistique s'explique différemment :
Les langues sont des systèmes spontanément organisés de façon inconsciente, par des êtres humains.
Leurs règles de fonctionnement sont inférées puis instanciées par des cerveaux humains,
en des énoncés qui sont interprétés par d'autres cerveaux humains,
selon des processus qui comportent une certaine part d'incertitude.
Pour être vraiment rigoureux, il n'y a vraisemblablement pas deux personnes
qui emploient exactement la même grammaire, et ce qu'on appelle "langue",
ce sont des modélisations de règles, et de lexiques, qui semblent être partagés
par un ensemble de personne plus ou moins grand (une communauté linguistique).
Pour travailler, les linguistes sont obligés de modéliser un tant soit peu la ou les langues qu'ils étudient,
de lisser l'infinité des variations possibles, mais il y a alors une autre difficulté,
qui est que la linguistique ne cherche pas seulement à décrire une seule langue, en termes d'elle-même
elle cherche à permettre de décrire toutes les langues et à les examiner, à les comparer,
ce qui n'est possible que si on essaie de dégager des catégories universelles,
qui soient valables partout.
Des notions comme le verbe, l'adjectif, le sujet, l'objet ou même la syllabe,
deviennent extrêmement problématiques quand on essaie d'en donner une définition
qui dépasse le cadre d'une langue ou d'une famille de langues,
et il n'est pas possible de théoriser sur le langage
et sur les langues si on ne peut rien généraliser d'une langue à l'autre.
Par conséquent, une grammaire purement descriptive est nécessairement d'une certaine complexité
mais pour des raisons différentes d'une grammaire normative.
[La grammaire] peut-elle être mise en équation?
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d'équation en l'occurrence.
L'équation implique une égalité entre une valeur et une expression contenant une ou plusieurs variables.
Ce qui se rapproche le plus des équations, en linguistique, à ma connaissance, ce sont les
calculs de prédicats qu'on trouve en sémantique formelle.
Par exemple, on peut noter ROUGE(), le prédicat qui détermine qu'un objet est rouge, et transcrire
« Le ballon est rouge » en ROUGE(x) = Vrai, avec ballon l'x qui satisfait cette équation
(Qui transcrit aussi "le ballon rouge", "la rougeur du ballon". Le prédicat abstrait peut être rendu par plusieurs
phrases)
La sémantique vériconditionnelle, qui prétend identifier le sens d'un énoncé à ses conditions de vérité et
dériver ces dernières de sa structure interne, fait usage de prédicats de ce genre
(même si mon exemple est un peu simpliste).
Elle a été très fortement critiquée, car le sens d'un énoncé est souvent largement dépendant
du contexte dans lequel il est produit.
Néanmoins, cette approche un peu naïve est utilisée en linguistique informatique,
où elle fournit déjà des outils suffisants pour être employés en pratique.
La linguistique utilise un certain nombres de formalismes qui résultent de la volonté d'en faire une
discipline plus objective, plus scientifique.
C'est notamment sous l'impulsion de Chomsky que la linguistique s'est orientée vers une plus grande formalisation
de ses principes, notamment, outre la sémantique, en syntaxe et en phonologie.
D'une manière générale, la plupart des formalismes linguistiques tendent à être des arbres
représentant des relations hiérarchiques entre différentes briques élémentaires, et montrant comment elles se réunissent
pour former un élément linguistique plus complexe.
Un arbre syntaxique, tel qu'employé par la grammaire générative.
Peut-on trouver une organisation type compréhensible quelque soit la langue des locuteurs ?
Question posée par
Ewind
qui apporte les précisions suivantes :
« Est ce que ( en oubliant le vocabulaire), on peut avoir une "forme " de phrase type,
compréhensible par n'importe qui?
Pas quelque necessitant une compréhension " fine " mais les phrases de base.
( un peu du créole quoi) ordre des mots oui, ou quelque chose d'approchant #PasClair ( même dans ma tête ^^)
»
Effectivement, ce n'est pas très clair, mais je crois comprendre de quoi il est question.
Si je comprends bien, il s'agit de savoir si toutes les langues organisent les phrases de la même façon,
si les phrases, au moins les phrase simples, obéissent à la même organisation dans toutes les langues.
Si on s'arrête à un examen de surface, la réponse est clairement non.
Par exemple, si on prend les constituants d'une phrase transitive simple : sujet, objet et verbe,
on pourra trouver des exemples de chacun des ordres possibles (SOV,SVO, VSO, VOS, OSV, OVS) comme "ordre de base" d'une langue.
Par exemple, l'Arabe classique est VSO, le Basque est SOV, le Malgache est VOS...
Bien sûr, certains ordres sont plus fréquents que d'autres : les deux premiers,
SOV et SVO, comptent chacun un peu plus de
40% des langues, ce qui indique une très forte préférence pour mettre le sujet
au début de la phrase (en tout cas,
si on accepte une certaine définition de la notion de sujet, qui n'est vraiment pas facile à dégager.)
Et il ne s'agit que d'un exemple, parmi des centaines de variations qui peuvent exister dans l'organisation
des mots d'une phrase.
Mais on se poser une question plus abstraite, qui est de savoir s'il n'y a pas, derrière ces multiples organisations en
surface, une organisation "profonde", qui serait la même pour toutes les langues.
C'est la thèse de la grammaire universelle, de Chomsky. Et c'est une question très âprement discutée en linguistique.
Mais pour en revenir à la question initiale, il y a un point important dans la question,
qui est la notion d'intelligibilité.
Que les langues du mondes connaissent des organisations différentes, soit,
mais est-il possible de ne pas respecter la grammaire d'une langue et d'être malgré tout, en gros, compris ?
La réponse n'est pas nécessairement non.
Si quelqu'un arrive en vous demandant « toilettes où est-il s'ivouplaît ? »,
vous allez comprendre que ce n'est pas un locuteur natif, mais vous saurez aussi le rediriger vers la plus proche vespasienne.
Comment peuvent coexister pour un même fait de langue différentes explications ?
Pour la même raison que dans n'importe quelle autre science. Si deux théories expliquent un fait de langue,
soit elles sont en compétition, soit elles sont complémentaires.
Linguistique historique
Quelles sont les fins de la grammaire comparée ?
La grammaire comparée a été le point de départ de la linguistique moderne, mais ses buts étaient plus étroits.
Elle se focalisait essentiellement sur l'évolution des langues dans le temps,
l'établissement de parentés linguistique et la reconstruction linguistique, c'est à dire la reconstitution
de l'ancêtre des langues d'une même famille.
La grammaire comparée privilégiait donc la phonologie et la morphologie historiques de la langue,
au détriment du reste, et notamment de la description synchronique de la langue.
Peut-on reconstituer une langue disparue depuis des siècles ?
Non seulement on peut, mais ça a été l'objectif principal de la Linguistique pendant un long moment !
La tradition linguistique moderne est née suite à la découverte de la parenté entre certaines
langues d'Europe et d'Inde, et l'essentiel de la linguistique au XIXe siècle a consisté à établir
l'arbre généalogique de la famille
Indo-Européenne. À la fin du XIXe siècle, on a également commencé à vouloir établir l'existence
et l'organisation d'autres familles de langues, notamment les familles sémitiques et finno-ougriennes
(devenues depuis respectivement la famille afro-asiatique et la famille ouralienne).
Pour établir ces familles de langues et reconstruire leurs ancêtres, on a progressivement codifié la méthode
comparative de reconstruction.
La méthode comparative se base sur la théorie de la régularité des changements phonétiques,
c'est à dire que tel son dans tel contexte de la langue mère évoluera toujours de la même façon
dans les langues filles.
La méthode comparative consiste à rassembler pour chaque langue des listes de mots
présentant des similarité de formes et de sens d'une langue à l'autre, et à tenter d'établir des correspondances
systématiques (i.e. valables dans un maximum de contextes, pour un maximum de mots)
entre les différents phonèmes qui les composent.
Une fois ces correspondances établies, il est possible d'en déduire des informations sur les phonèmes
de la langue mère, et la façon dont les changement se sont effectués.
Idéalement, chaque correspondance établie permet de reconstruire un phonème de la langue mère, mais ce n'est pas
toujours possible, parfois, des informations sont manquantes.
Une fois que suffisamment de mots ont été reconstruits, il devient possible de reconstruire une partie de la grammaire,
notamment la morphologie de la langue (c'est à dire, les règles de conjugaison, de déclinaison,
de constructions de mots...).
Cette méthode a été étayée de nombreuses fois. De fait, elle a permis à Saussure de postuler l'existence
en proto-indo-européen de consonnes qui n'étaient alors attestées dans aucune de ses descendantes,
prédiction corroborée lorsque le hittite a été déchiffré.
On voit là que la Linguistique n'est pas une simple discipline descriptive. Dès 1879, les théories échafaudées par
les comparatistes permettaient de faire de vraies prédictions scientifiques,
confirmées par des observations ultérieures.
Avec un corpus présentant suffisamment de mots différents et suffisamment de langues différentes, on peut ainsi
reconstituer toute l'histoire d'une famille de langue, même si établir une chronologie précise n'est pas
toujours simple (certaines langues changent plus vite que d'autres).
Il faut en tout cas retenir une chose : Il est tout à fait possible, ainsi que l'a prouvé le linguiste américain
L. Bloomfield avec les langues amérindiennes, d'appliquer cette méthode à des langues
non-écrites, puisqu'elle se base sur des corpus de langues vivantes.
En fait, il est même possible (mais c'est plus difficile) de l'appliquer au sein d'une même langue,
c'est ce qu'on appelle la reconstruction interne. La méthode est peu ou prou la même,
mais avec les variantes dialectales de la langue, les différentes formes d'un même mot.
La méthode comparative connait néanmoins certaines limites.
Elle est difficilement opérante sur les créoles,
et plus on tente de remonter loin dans le temps, plus les résultats qu'elle donne sont incertains.
Et elle ne permet de reconstruire que certains aspects de la langue. Il n'est pas possible de reconstituer
des langues entières. Même sur le strict plan du vocabulaire, certains mots "meurent sans descendance",
disparaissent du lexique et ne laissent pas de trace dans les langues filles.
Et bien sûr, il n'est pas possible de reconstituer, au mieux, plus de quelques mots des langues mortes sans postérité.
Références
-
Historical Linguistics : An Introduction, Lyle Campbell.
(Nécessite de bonnes bases en linguistique, en particulier en phonétique)
Y a-t-il des études linguistiques sérieuses sur la "langue originelle" ?
Aucun linguiste sérieux ne pense avoir de preuve de l'existence d'une
langue originelle commune à toute l'humanité, et encore moins ne prétend
savoir à quoi elle aurait ressemblé.
Même à supposer qu'on arrive à regrouper toutes les langues de l'humanité en
une seule famille (ce qui n'arrivera jamais), l'ancêtre commun à toutes ces langues
ne serait qu'un dernier ancêtre commun, et il serait impossible de prouver qu'il n'était pas contemporain
d'autres langues mortes sans descendance, par exemple (c'est mutatis,mutandis le même problème
qu'en phylogénétique biologique).
Néanmoins il y a eu, et il y a encore, pas mal de linguistes qui prétendent
remonter au delà de ce qu'il est possible de reconstruire avec la méthode comparative classique,
avec des degrés de sérieux variables.
Typiquement, de nombreux linguistes ont avancé l'existence de "superfamilles" linguistiques,
regroupant plusieurs familles de langues existantes, mais elles suscitent généralement la controverse.
Certaines d'entre elles ont été abandonnées suite à des études plus approfondie,
d'autres peuvent encore paraître plausibles, mais il est douteux qu'on arrive jamais à dépasser ce
stade d'hypothèse plausible pour la plupart d'entre elles.
Est-il vrai qu'on ignore pourquoi les langues évoluent ?
C'est tout à fait exact que c'est quelque chose qui se dit beaucoup en linguistique historique :
on ne connaît pas vraiment les raisons qui guident un changement particulier à l'instant t, on n'a pu que dégager des tendances générales jusqu'ici et pour autant que je sache,
il n'existe pas de théorie du changement linguistique qui en détaille des causes.
Le fond du problème c'est sans doute que les linguistes en particulier les linguistes qui font ce genre de travail, sont historiquement attachés à une vision de la diachronie très structuraliste et un petit peu holiste,
c'est à dire que pour eux, un mot employé à un moment donné doit avoir un sens
et une place complètement déterminés pour celui qui l'emploie, ce qui est sans doute un peu simpliste,
mais ce n'est qu'une partie du problème, parce que ça ne nous dit pas malgré tout
pourquoi certains mots dans les mêmes conditions évoluent de façon disparate.
Il faut bien réaliser qu'il y a une limite à ce que les linguistes peuvent faire pour remonter dans le passé, même sur des langues écrites, il y a plein de choses qui sont perdues parfois de façon irrémédiables et il est donc difficile d'édifier des théories généralistes solides à ce niveau là.
Y a-t-il une théorie qui connecte étrusque et hongrois et est-elle populaire en Hongrie ?
Pas à ma connaissance.
Le très bon livre d'Istvan Bart sur la Hongrie et les Hongrois
cite une théorie délirante en vogue parmi les nationaliste qui
rattachait les Hongrois aux Sumériens.
Par ailleurs, il est assez traditionnel en Hongrie de se rattacher aux Huns
(même si entre les Huns et les Hongrois il y a 400 ans de décalage pour leur arrivée en Europe).
Maintenant je sais que les nationalistes sont capables de tout les délires
et c'est fort possible qu'il y en ait qui rattachent le hongrois à l'étrusque pour X raison.
Il y en a bien qui le rattachent au Basque à cause des pluriels en -ak/ek dans les deux langues
(ce qui est du délire complet).
L'ennui de toutes ces petites théories c'est que la généalogie du hongrois
est déjà très bien établie, ses plus proches parents en Europe sont les langues fenniques (comprenant notamment le finnois et l'estonien) et
les langues sames, qui font partie comme le hongrois des langues ouraliennes.
L'étrusque, le basque et le sumérien sont trois isolats linguistiques
qui n'ont sans doute aucun rapport ni entre eux, ni avec le hongrois.
Bibliographie
- La Hongrie et les Hongrois, István Bart
Traduction : Camille Defourny, Fáber András; Corvina, Bp. 2001.
Typologie linguistique
Est-ce qu'il existe une mesure de la "complexité" d'une langue? (qqchose pour hiérarchiser au -)
Un jeu très aimé des polyglottes est de chercher qui a la plus grosse complexité,
qui a la plus dure grammaire, qui a le plus long vocabulaire...
La notion de "complexité" d'une langue n'est pas vraiment pertinente, sur le plan scientifique :
Il y a mille et une façon de comparer deux langues, et en sélectionnant correctement les critères
qu'on retient, on est presque toujours assuré de prouver que telle langue est "plus complexe" que telle autre.
En général, une langue qui s'écarte de la "moyenne" sur un point précis
reste ordinaire par tout ses autres aspects.
De plus, il faut voir que, très souvent, la "complexité" à un endroit permet la "simplicité" ailleurs.
Par exemple, un
système de déclinaisons paraît compliqué aux locuteurs du français, mais les langues qui en ont un auront
souvent une syntaxe beaucoup moins contrainte, un ordre des mots bien moins rigide que celui du français.
Et réciproquement.
Il n'y a pas de mesure "objective" de la difficulté d'apprentissage d'une langue pour la bonne raison que c'est
quelque chose de subjectif. Ça dépend entièrement de l'apprenant, de sa langue maternelle et des
langues qu'il a étudié auparavant, de son âge, et d'autres facteurs du même acabit.
Il y a malgré tout des moyens plus ou moins objectifs de mesurer la "distance" d'une langue à une autre,
il est possible de faire des comparaisons à grande échelle et de regarder si tel élément de la grammaire
est plus ou moins rare parmi les langues du monde.
C'est l'objet de la Typologie Linguistique.
Par exemple, on peut constater, que certaines consonnes sont plus rares que d'autres,
et il me semble même qu'il y a une corrélation entre la rareté d'une consonne sur le plan typologique
et la vitesse à laquelle la consonne est acquise par les enfants,
lors de l'acquisition de la langue maternelle.
Mais globalement, dire "telle langue est plus complexe que telle autre",
en toute généralité, ça n'a pas beaucoup de sens.
Il faut préciser les éléments de comparaison retenus.
Par exemple, le français possède plutôt un grand nombre de voyelles,
parmi lesquelles des nasales, ce qui est relativement peu répandu,
mais le reste de sa phonologie n'a rien de spécial, à ma connaissance.
Est-ce que le nombre de langues vivantes diminue, augmente ou stagne?
La réponse à cette question est un peu plus complexe qu'il n'y paraît,
parce qu'il n'est pas toujours facile
d'établir la "limite" entre deux langues. Il n'est pas toujours facile de dire si deux personnes parlent
la même langue ou deux langues différentes étroitement apparentées.
Le concept de "langue", au sens courant du terme a des ramification politiques
et identitaires très compliquées.
Pour des raisons sans aucune pertinence linguistique, on montera en épingle
des différences plus ou moins superficielles
pour faire d'une même langue plusieurs
(par exemple, L'Hindustani devenu Hindi et Ourdou, le serbo-croate devenu Serbe,
Croate, Bosniaque et Monténégrin...)
ou de plusieurs langues, une seule
(les dizaines de langues parlées en Chine devenant toutes des "dialectes").
On entend régulièrement des statistiques alarmantes sur la disparition des langues dans le monde, et
il est tout à fait exact que beaucoup de langues, parlées généralement par de petites populations
confrontées à l'influence linguistique de voisins plus riches, plus nombreux et dominateurs,
disparaissent sans cesse, pour des raisons variées.
Ce sont parfois des familles entières de langues qui sont menacées de disparition, et
il est indéniable que la diversité linguistique de l'Humanité est en péril.
Mais, étant donné que nous avons du mal à évaluer le nombre de langues parlées actuellement dans le monde,
et que nous avons a fortiori du mal à évaluer le nombre de langues qui ont été parlées,
il n'est pas possible de dire à coup sûr si, par exemple,
le nombre de langues est plus élevé maintenant qu'en 1750, ou en 50 avant Jésus-Christ.
Sans même parler de remonter à des époques qui ne connaissaient pas l'écriture.
Le "nombre de langue" est un concept un peu vague, en fait, pour mesurer quelque chose de pertinent.
Qu'est-ce qu'un isolat ?
On appelle isolat une langue pour laquelle on ne peut pas établir de lien de parenté
avec une autre langue, et dont la famille linguistique se réduit par conséquent à elle-même.
Suivant les usages, on peut qualifier d'isolat une langue qui n'a pas de lien de parenté avec une
autre langue vivante, ou bien limiter la notion aux langues qui n'ont pas de lien
même avec des langues mortes.
Quelles peuvent être les raisons de l'existence d'isolats linguistiques ?
Il n'est pas facile d'y répondre complètement à cette question car nous ne savons tout simplement pas grand'chose de l'histoire linguistique de l'humanité à très grande échelle,
et beaucoup de choses sont très hypothétiques dans ce domaine, mais on peut en gros avancer trois raisons :
Le premier cas qui peut conduire à ce qu'une langue soit un isolat, c'est le fait d'être la seule descendance encore existante de ses ancêtres,
c'est à dire que soit la langue originale n'a donné naissance qu'à un seul descendant, soit les autres descendants n'existent plus et ne sont pas attestés.
On fait l'hypothèse que ce serait le cas du basque, qui aurait eu une langue cousine, l'aquitain, à moins que l'aquitain soit ancêtre du basque, ce n'est pas clair.
Le deuxième cas qui pourrait conduire à créer un isolat, c'est quand une langue devient trop éloignée des autres membres de sa famille, au point de ne plus être reconnaissable comme appartenant à cette famille.
Le troisième cas, ce serait que la langue en question soit originellement un créole, c'est à dire un mélange entre deux langues dont la parenté
ne serait pas vraiment décidable selon les critères ordinaires de la linguistique comparative classique.
Il y a peut-être d'autres possibilités en plus de ces trois là, mais ils me semblent que ce sont les trois principales.
Quelles sont les caractéristiques linguistiques les plus rares ?
Le problème d'une telle question est qu'il y a littéralement des milliers de façons
de comparer les langues entre elles.
Suivant les différentes branches de la linguistique, on peut relever les traits suivants
comme étant plutôt rares :
Phonologie
Certains phonèmes sont extrêmement rares parmi les langues du monde, tels que par
exemple les fameux "clics", un type de consonne qui ne se trouve qu'en Afrique australe.
De même la fricative dentale /θ/ (le son "th" de l'anglais) est un son très rare.
Certains phonèmes sont a contrario si courants que c'est leur absence qui est remarquables.
Ainsi, il est rare qu'une langue n'ai pas de consonne bilabiale, ou de nasale.
Il arrive un peu plus souvent qu'une langue ne possède pas de fricative, mais cela reste un trait
rare.
Sur le plan de la prosodie, il est exceptionnel que les voyelles d'une langues possèdent
plus de deux contrastes de longueur, mais c'est le cas par exemple en estonien, qui
en plus d'opposer voyelles longues et courtes, possède des voyelles "super-longues".
Morphologie
Le trait morphologique le plus rare est probablement l'emploi de systèmes morphologiques
non-concaténatifs. C'est à dire un système ne reposant pas sur l'ajout d'affixes à un mot.
L'exemple le plus connu de morphologie non-concaténative est la morphologie des langues sémitiques
(hébreu et arabe en particulier),
qui fonctionnent à partir de racines de trois consonnes entre lesquelles sont rajoutés
des séries de voyelles pour former des mots.
Par exemple la racine K-T-B "کتاب" qui par défaut se lit /kitab/, "livre"
donne les mots "كَتَبَ" /kataba/ soit "il a écrit" et "أَكْتُب" /aktub/ "j'écris".
Contrairement au système de combinaison le plus courant où les morphèmes sont simplement mis à
la suite (par exemple en anglais "write" + "s" donne "writes" ), les langues sémitiques
combinent des racines consonantiques avec des schémas de voyelles pour former des mots.
Une autre forme de morphologie non-concaténative encore plus rare est la morphologie soustractive
exemplifiée par le murle, une langue du Soudan du Sud qui formerait certains pluriel en supprimant
les consonnes finales des formes du singuliers (par exemple "onyiit":"côte", onyii:"côtes",
"rottin":"guerrier", rotti:"guerriers") (mais cette analyse semble contestée).
Syntaxe
Si on se base sur les constituants basiques d'une phrase transitive
que sont le sujet, le verbe et l'objet, il existe en tout six manières différentes de les ordonner.
Parmi les langues du monde, il est extrêmement rare que l'objet du verbe
soit placé en début de phrases. Seuls 1% des langues semblent présenter ce type
d'organisation.
L'ordre des constituants le plus rare est l'ordre Objet-Sujet-Verbe,
il ne concerne que 4 langues parmi
un échantillon de 1377.
Quelles sont les particularités du finnois ?
Pour répondre à cette question, il faut d'abord s'arrêter sur la notion de particularité. Le problème de cette notion, c'est qu'elle ne peut s'interpréter que par le renvoi implicite à une norme, et le choix de cette norme oriente la réponse.
Dois-je considérer que la norme que je dois prendre en considération est le français
(Ma langue maternelle et la seule langue avec laquelle je peux présumer que tout mes lecteurs sont familier),
les langues d'Europe occidentale en général, les autres langues finno-ougriennes,
ou bien l'ensemble des langues du monde ?
La caractéristique la plus saillante de la langue finnoise pour nous est probablement le nombre élevé de cas dans la déclinaison.
On en compte environ une quinzaine (le nombre exact est quelque peu sujet à débat).
Néanmoins, on ne peut pas forcément en conclure que la déclinaison du finnois serait plus "complexe" que celle de langues indo-européennes à déclinaison comme le russe, car la grammaire du finnois est relativement plus régulière, les terminaisons pour chaque cas étant toujours les mêmes, à harmonie vocalique près.
Car les mots finnois suivent ce qu'on appelle une harmonie vocalique (comme le hongrois avec lequel il est apparenté, mais aussi comme le turc) : les voyelles du finnois sont divisées en trois groupes : voyelles sombres, voyelles claires, et voyelles neutres, et un mot simple ne peut pas contenir simultanément des voyelles sombres et des voyelles claires.
Par conséquent, pour la majorité des suffixes et des désinences casuelles,
il y a une série sombre et une série claire.
Ça ne complique pas vraiment l'apprentissage dans la mesure
où il est facile de déduire les suffixes sombres à partir des clairs et réciproquement,
en se basant sur des équivalences phonologiques suivantes :
Exemple : le suffixe "-ton" (à peu près équivalent à "-less" en anglais) a pour forme claire "-tön".
Le suffixe "-tus" a pour forme claire "-tys".
Et pour les désinences casuelles, le cas inessif a par exemple pour forme sombre "-ssa" et pour forme claire "-ssä".
Un élément très surprenant concernant la déclinaison du finnois est que les noms composés de nombres
voient l'ensemble de leurs composants déclinés et pas uniquement l'élément final :
Par exemple, le nombre 35 se dit "kolmekymmentäviisi", mais "pour 35 personnes"
se dit "kolmellekymmenelleviidelle hengelle".
Notez la répétition de la terminaison "-elle"
(il s'agit du cas allatif, ici employé dans un sens datif) à l'intérieur du nombre.
Une autre particularité du finnois : les mots y ont souvent deux radicaux, un radical dit fort et un radical dit faible, dont l'utilisation dépend en gros de la structure syllabique du mot, mais avec quelques exceptions.
Ce phénomène est appelé "alternance consonantique" et c'est sans doute une des plus grosses sources de difficulté pour un débutant.
Sur le plan phonologique, le finnois a globalement peu de fricatives (Notamment il n'y a pas de /f/ en finnois, le mot "Finlande" vient du suédois et sans doute d'exonymes germaniques),
pas vraiment d'occlusives voisées (/d/ /b/ /g/ sont d'introductions récente
et trouvés exclusivement dans des emprunts pour les deux derniers).
Sur le plan de la morphologie dérivationnelle, je crois que le finnois est très riche en suffixes de toute sorte, notamment qui jouent un rôle assez important dans la formation de verbes passivisés ou réflexifs.
Au niveau de la syntaxe, le finnois est une langue qui organise par défaut les mots selon l'ordre "sujet - verbe - objet" comme le français,
mais le système casuel rend possible de bouleverser cet ordre selon des considérations de hiérarchie informationnelle pour rendre des nuances que le français rend par des mots supplémentaires ou par des constructions différentes.
Par exemple :
"Auto on kadulla" signifie "la voiture est la rue".
"Kadulla on auto" signifie "il y a une voiture dans la rue".
Les deux phrases finnoises contiennent exactement les mêmes mots, seul l'ordre change. A contrario
dans la phrase française, les mots ne sont pas exactement les mêmes.
Quelles sont les particularités du français ?
Le trait le plus singulier que je connaisse en Français c'est qu'il y a
un très grand nombre de voyelles, entre 14 et 16, et en particulier des voyelles nasales,
ce qui est globalement plutôt rare.
Moyennant quoi, les voyelles nasales ne sont pas si rares que ça parmi les langues du monde,
mais tout de même relativement peu fréquentes : WALS
montre qu'elles sont présentes dans un gros quart des langues.
Sinon le français est une langue relativement banale pour autant que je sache,
du moins c'est l'impression que me donne WALS.info (qui est la référence en matière de typologie
mais ne couvre que les aspects les plus généraux et les plus simples de la comparaison entre langues ).
Parmi les langues romanes par contre, le français est par contre assez singulier,
il me semble, les changement phonétiques y ont été bien plus profonds que dans les autres,
à un point parfois caricatural cf le mot pour eau :
Latin | aqua | /ˈa.kʷa/ |
Italien | acqua | /ˈak.kwa/ |
Espagnol | agua | /ˈa.ɣwa/ |
Catalan | aigua | /ˈaj.ɡwə/ |
Portugais | agua | [ˈa.ɣwɐ] |
Galicien | auga | [ˈaw.ɣa] |
Roumain | apă | [ˈapə] |
Sarde | abba | |
Occitan | aiga | |
| | |
Français | eau | /o/ |
Que sait-on sur l'étrusque ?
L'étrusque est une langue morte d'Italie du nord, spécifiquement de la région d'Étrurie, qui tire son nom
du peuple Étrusque, qui y vivait avant d'être progressivement conquis et assimilé par la puissance romaine.
La langue étrusque a été parlée au moins à partir du VIIIe siècle, à partir de quand
elle est attestée, jusqu'au Ie siècle avant JC, après quoi elle s'est probablement éteinte.
Il existe un corpus relativement important d'inscriptions étrusques totalisant environ 10 000 exemplaires,
mais dont seuls une petite fraction sont vraiment très extensif,
l'essentiel est plutôt des inscription épigraphiques courtes sur des petits objets,
sur des tombes ou sur des murs.
La langue en elle-même est écrite avec l'alphabet grec et son déchiffrement
n'a pas posé de problèmes particuliers au niveau de l'écriture en elle-même.
Le consensus est que l'étrusque n'est pas une langue indo-européenne
et ne possède de parentée avec aucune autre langue vivante ou morte.
D'aucuns (Jean Faucounau) considèrent cependant qu'il est indo-européen
et rattaché à une langue indo-européenne très tôt différenciée, le Lycien.
Le problème est que le corpus Étrusque n'est pas assez étendu pour qu'on utilise
la seule méthode vraiment concluante pour rattacher une langue à une famille (la méthode comparative).
Néanmoins, la grammaire de l'étrusque paraît assez différente de celle du latin ou du grec, moins fusionnante.